Une tribune de Christophe Rebours parue dans Le Cercle Les Échos.
Les évolutions récentes du monde économique ont fait émerger un nouveau paradigme de l’innovation fondé sur l’expérience. Derrière ce constat se cache un impératif : remettre l’humain au cœur du processus de création de l’offre des entreprises.
Attentive aux tendances en matière d’innovation, la Banque publique d’investissement (Bpi) a récemment annoncé son intention de financer l’innovation non technologique. Même si toutes les entreprises n’ont pas encore adopté cette approche, j’ai constaté avec plaisir que de plus en plus d’entrepreneurs s’intéressent aux nouvelles méthodes d’innovation axées sur les usages et les besoins des individus, dont l’analyse montre qu’elles sont capables de créer davantage de valeur et d’emploi.
La première révolution industrielle a donné la part belle aux ingénieurs et aux innovations technologiques. Durant cette période sont nées des technologies qui ont changé la vie des gens, telles que la machine à vapeur, le moteur à combustion ou le composant électronique. L’histoire de Peugeot est un symbole des évolutions successives d’une entreprise liées à la R&D et la technologie : après avoir prospéré dans la métallurgie, puis la fabrication de vélos, l’entreprise s’est recentrée sur la technologie automobile dans la première moitié du XXe siècle. Nous devons ainsi à ses ingénieurs la première voiture à essence du monde, en 1919.
La seconde ère de l’innovation est celle de la marque. (…)
Depuis les années 60, le marketing et la publicité sont progressivement devenus de puissants moteurs pour l’innovation. Des entreprises sont devenues de véritables icônes mondiales, comme Nike ou Coca-Cola dont les campagnes de communication touchent les consommateurs du monde entier grâce à leur créativité marketing. Mais aujourd’hui, la marque et sa capacité d’enchantement ne suffisent plus à bien faire vendre. (…)
Vers une nouvelle ère
Les hommes consomment mieux (et plus, et plus souvent) ce qui a été bien conçu pour eux. Ceci vous semble une évidence ? Pourtant même de grands groupes cotés en bourse ont perdu de vue le sens de leur action. Ils ne savent plus pourquoi ils produisent. Ils ont oublié pour qui. (…)
Un nouveau paradigme émerge, qui place l’humain au cœur de tout. L’innovation est entrée dans une nouvelle ère, celle de l’expérience. Elle puise ses fondements de la connaissance intime de la vie des gens grâce à des observations anthropologiques in situ. Elle produit de nouvelles offres pour l’entreprise, auxquelles la R&D et le marketing donnent ensuite forme et chair.
Cette innovation-là est non-technologique – elle entre en résonance avec une mutation des usages, l’émergence de nouveaux besoins auxquels elle apporte une réponse avec justesse. Parce que ses produits sont conçus pour eux, les hommes les utilisent et les consomment.
Une attention plus grande aux utilisateurs
De nombreuses entreprises ont déjà compris l’importance de mettre à profit la connaissance des hommes. S’appuyant sur une analyse des usages dans leur complexité et leurs mutations, à travers une attention plus grande aux utilisateurs, ces entreprises innovantes élaborent des produits répondant à un besoin réel.
Stimulé par Airbnb qui met en lumière que le rapport à l’expérience du voyage a changé, Accor fait évoluer sa stratégie vers une approche centrée utilisateurs. Et le groupe entre en 2015 dans le top 10 des plus fortes hausses du CAC40.
Dans le secteur bancaire, Benoît Legrand, président directeur général d’ING en France affirme que sa banque en ligne répond aux mutations des besoins de consommateurs plus connectés, qui recherchent une proximité émotionnelle et digitale, une accessibilité et une efficacité opérationnelle. ING Direct est n° 1 de la banque en ligne en France et passera le cap du million de clients en France en 2015.
La culture de l’expérience se diffuse peu à peu dans les entreprises et les start-up, oriente leur réflexion en les engageant dans un cercle vertueux. L’avenir de l’innovation se joue dans l’observation et la compréhension subtile des usages émergents et de l’expérience souhaitable. Nos ingénieurs et hommes de marketing ont le talent nécessaire pour la transformer en offre pérenne. Dans tous les domaines, désormais, l’avenir ne s’invente pas, il s’observe.
Une tribune de Christophe Rebours parue dans Le Cercle Les Échos.